Martin Luther : Les Huit Sermons
La Réforme a également connu ses revers. Nous ne devrions pas l'imaginer comme linéaire, sans secousses, comme une rivière calme suivant son cours. Martin Luther (1483-1546) a été confronté non seulement au rejet catholique, mais aussi à une grande variété de défis internes. Certains de ses collaborateurs ont proposé des versions beaucoup plus radicales de la réforme, ce qui a causé de l'inquiétude.
Martin Luther / Source : Credo ergo sum
Un tel "incident" s'est produit pendant le séjour de Luther à la Wartbourg (1521-1522).
Emmené là pour être protégé, le réformateur fut informé que les choses à Wittenberg prenaient une direction indésirable. Andreas Karlstadt, l'un des premiers partisans de la Réforme et un professeur important à l'université de Wittenberg qui a aidé Luther à diffuser ses idées, avait pris les rênes.
Parmi les changements dogmatiques et liturgiques proposés figuraient : le retrait des images religieuses des églises (iconoclasme), les considérant comme idolâtres ; l'abolition complète de la messe en latin et son remplacement par des prédications en allemand ; la réévaluation de la signification de l'Eucharistie, passant de la présence réelle (du Christ) à une compréhension purement symbolique. Luther, en revanche, était prudent face aux réformes trop rapides, considérant que les changements devaient être progressifs pour éviter le désordre. Il croyait que les images religieuses pouvaient avoir une fonction éducative et pastorale si elles n'étaient pas idolâtrées.
Le chaos à Wittenberg et la peur que la Réforme ne se radicalise fatalement ont conduit Luther à prendre une décision ferme : le 6 mars 1522, il quitta la Wartbourg et retourna dans sa ville bien-aimée. Là, sans hésitation, il commença – le dimanche 9 mars – une série de sermons (huit au total) qu'il prononça quotidiennement, appelant à l'équilibre et à l'amour. C'était le Carême, et ces conférences abordaient les sujets brûlants de l'époque. Ainsi, nous avons une position cohérente sur la messe, les images, la communion sous les deux espèces, la consommation de viande et la confession. Quel que soit le sujet, le réformateur exhortait à la foi et à l'amour.
"La foi est dirigée vers Dieu, l'amour vers l'homme. Ce dernier consiste en ce service rendu à autrui que nous avons reçu de Dieu sans notre travail et sans nos mérites. Ainsi, il y a deux choses : l'une, qui est la plus nécessaire et qui doit être faite d'une certaine manière et pas d'une autre ; l'autre, qui est une question de choix et non de nécessité, qui peut être observée ou non, sans mettre en danger la foi ou encourir la damnation. Dans les deux cas, l'amour doit traiter notre prochain comme Dieu nous a traités ; il doit aller droit sans dévier ni à gauche ni à droite. Dans les affaires qui sont "obligatoires" et nécessaires, comme la foi en Christ, l'amour, cependant, n'utilise jamais la force ou la contrainte injustifiée."

Martin Luther / Source : Credo ergo sum
Cette série de sermons est considérée comme la victoire définitive de la Réforme, non seulement face au catholicisme, mais aussi face aux factions radicales. Karlstadt symbolise l'échec du mouvement radical, notamment en raison de son association avec divers groupes prophétiques et charismatiques. Luther représentait une approche modérée et progressive de la Réforme, visant à maintenir une certaine continuité avec la tradition de l'Église. Karlstadt, en revanche, prônait une réforme plus radicale, basée sur une interprétation strictement littérale de la Bible et un rejet presque total de la tradition catholique.
La relation problématique entre les deux illustre les fractures précoces au sein du mouvement protestant, qui ont conduit à la formation de plusieurs branches du christianisme réformé (luthéranisme, zwinglianisme, anabaptisme, etc.). L'arène de la Réforme comptait donc des protagonistes des deux camps : modérés et radicaux. Tous deux revendiquaient la vérité et, par conséquent, l'influence. À leur manière, les deux ont triomphé.
Le mouvement modéré (d'abord luthérien, puis calviniste, réformé, etc.) devait pactiser avec l'État et formaliser sa position ; le mouvement radical (anabaptisme, méthodisme, mouvements de réveil, etc.) devait emprunter le chemin difficile de l'illégalité, marqué par des actes de martyre qui ne devraient pas être oubliés.
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